Transférer son esprit vers un ordinateur est-il une bonne idée ?

S'il est un rêve que l'humanité a caressé depuis l'avènement de la technologie et l'oubli du boulier, c'est bien d'utiliser la mémoire des ordinateurs pour assurer la propre persistance de son intelligence, de sa mémoire et de son âme à travers le temps. Cette ambition, née avec les premiers films de science fiction et les recherches sur l'intelligence artificielle, peut correspondre à ce que l'on appellerait le transfert d'esprit.

Dans quel but ?

Pour parer en premier lieu à l'une des plus grandes peurs des temps modernes : faire un backup. Devenir immortel, et ne plus avoir peur de faire des parties de Sudoku à 7 dimensions tard le soir. Ce qui peut également conduire à réaliser de grandes ambitions : prendre un billet pour un voyage intersidéral sans avoir à se préoccuper de la quantité de sandwichs embarqués, et atteindre les plus proches étoiles. Ou bien encore profiter de sa propre dématérialisation pour aller explorer plus modestement les recoins de notre globe. Échapper à la SNCF sera déjà une grande avancée humaine.

Si l'on peut faire une copie, pourquoi ne pas tenter d'en faire plusieurs ? La démultiplication des existences pourrait permettre de vivre des expériences multiples en parallèle.

D'un point de vue technique, cependant, tout n'est pas rose. Il faut beaucoup de puissance pour émuler un cerveau organique. Un supercalculateur surpuissant serait nécessaire, et jusqu'à présent personne ne dispose d'assez de Téraflops ou de moyens pour tenter le coup. Certains spécialistes estiment que ce sera envisageable d'ici 2025 au vu du rythme d'évolution actuel, de façon expérimentale bien sûr, avec un volume et une énergie nécessaire qui dépasseraient bien sûr celles habituellement requises par un humain.

Une solution serait d'exécuter cerveau.exe au ralenti, monopolisant alors moins de transistors pour gérer chaque neurone. Malheureusement l'intérêt en serait limité, nous avons déjà un exemplaire de Cindy Sander. Cela suppose aussi de savoir numériser et reconstituer les neurones, leur comportement les liaisons complexes qui sont établies. Quand bien même la reproduction physique serait possible, nos connaissances sur la chimie des échanges n'est pas parfaite, et rien ne dit que la "conscience" suivrait le transfert, ou que l'on parviendrait à reproduire tous nos "périphériques" organiques : vue, ouïe, toucher. La musique ne pourrait plus qu'être analysée d'un point de vue algorithmique.

Si les réseaux de neurones ne sont pas une nouveauté, ils sont pour l'instant limités en puissance. Leur invention remonte aux années 1950 et se voit appliquée dans de nombreux domaines : reconnaissance de caractères, de séquences ADN, estimations boursières, prévisions météo. Leur particularité est de pouvoir apprendre à partir de cas concrets. Il y a environ 1015 synapses dans un cerveau, pour lesquels il faudrait au bas mot 20 000 To de stockage pour représenter leur structure et leurs interconnexions. Avant d'atteindre de telles capacités, des chercheurs pourront sûrement stocker toute l'intelligence des skyblogueurs sur une disquette 3,5".

En poussant la réflexion plus loin, devrait-on copier ou déplacer ? Si un esprit est transféré vers une représentation numérique, faut-il immédiatement éliminer l'original ? Les simulations disposeraient-elles des mêmes droits que les humains organiques ? Qui aurait la responsabilité de les débrancher, ou bien de les mettre à contribution dans un objectif particulier ? À quel moment parle-t-on de Skynet ? Les problèmes éthiques sont nombreux.

Dans l'imaginaire, un fameux récit d'Arthur C. Clarke évoque le sujet, avec La cité et les astres. L'un des premiers du genre, publié en 1956 et qui n'a pourtant pas pris une ride. L'humanité vit son quotidien et ses distractions, connectée à des simulations, sans jamais avoir besoin d'explorer ce qui se déroule au-delà de la ville. En quelque sorte, World of Warcraft avant l'heure. Plus récemment, La Possibilité d'une île de Houellebecq.

Parmi les films, de nombreux exemples au palmarès, touchant de près ou de loin au sujet. Cargo, Matrix, Ghost in the Shell, Le 6e jour, Avatar, Tron, et les séries Stargate ou Red Dwarf qui fait la part belle aux reconstitutions holographiques d'humains disparus. Il en existera bien d'autres encore, tant le sujet est populaire et fascine les humains que nous restons.

Moins connu, Passé Virtuel (The Thirteenth Floor), dresse le portrait d'un développeur, fan des années 30 qui parvient à se projeter dans une simulation de l'époque, avec d'autres subtilités dissimulées par le scénario.

Parmi les jeux, encore plus, avec toute une série d'esprit humains ayant été transférés ou emprisonnés dans quelques puces, que les reliques organiques soient encore présentes ou non. Notons Assassin's Creed.

7 commentaires pour “Transférer son esprit vers un ordinateur est-il une bonne idée ?”

  1. Arrg dit :

    Sujet intéressant mais voilà un article pas fini qui en plus nous spoile sévère l’intrigue d’Assassin’s creed. Super.

  2. hopper dit :

    Bonjour,
    Je trouve votre article intéressant et je ne trouve pas qu’il spoile pas AC.
    Une question, comment arrivez-vous à faire des bulles blanches ?
    Photoshop et comment ?
    Merci de votre réponse,

  3. neemzy dit :

    Bonjour,

    Je vous présente par avance mes excuses pour le léger hors-sujet du commentaire, mais je tenais à vous adresser mes éternels remerciements pour m’avoir permis de retrouver le titre de « Passé Virtuel », film que j’avais adoré enfant et dont je recherchais en vain l’intitulé depuis environ dix ans…

    Un grand merci donc !

  4. Ben dit :

    C’est oublier que la piste la plus sérieuse pour le téléchargement de l’esprit prend racine – arf – dans le calcul de la racine treizième d’un nombre à cent chiffres. C’est pas moi qui le dit, c’est le recordman du monde de la discipline dans le résumé de sa thèse, sobrement intitulée « Application de l’hypercalculie et de l’informatique quantique gravifique à l’intelligence artificielle générale ».

    Il y affirme notamment que « de très nombreux paradigmes classiquement acceptés sont désintégrés avec un succès considérable dans tous les domaines scientifiques ». Rien que ça. http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SET=3/TTL=4/REL?PPN=151610509

  5. merlin8282 dit :

    Comme bouquins il y a aussi « La cité des permutants » de Greg Egan, « Le samouraï virtuel » (v.o. « Snowcrash ») de Neil Stephenson, « Neuromancien » de William Gibson…

  6. merlin8282 dit :

    Ah, j’allais presque oublier Autonomy Project, un roman sous licence libre dont un pdf de la traduction en français peut être trouvé ici : http://alysse.org/~thomas/autonomy/autonomy.pdf

  7. Aeon dit :

    Richard Morgan est l’auteur du très bon « Carbone modifié » où se croise la digitalisation des esprit, les enveloppements multiples, les corps modifiés,… Cette fusion de l’homme et sa technologie fait partie du transhumanisme.
    Bon et pour ceux qui aime les jeux de rôle, Eclipse Phase intègre tous ces concepts.

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