Après avoir mis en morceaux le monopole de la musique, internet peut-il mettre fin au monopole de l'information ?
Libération s'en inquiète dans 3 articles particulièrement aigris :
La principale accusation vise les nouveaux moyens de communication désormais à la portée de chacun, moyens autrefois réservés à une élite.
La technologie met à portée de tout citoyen la capacité de recueillir et, surtout, de publier, c'est-à-dire de diffuser largement faits, sons, images ou opinions.
Pour reprendre un exemple concret, on savait déjà que la concurrence était rude entre les magazines informatiques spécialisés et les sites qui diffusent gratuitement l'information : pourquoi acheter une revue sur les jeux vidéo, bouclée un mois avant sa parution, quand un site peut proposer de l'information fraîche au jour le jour, une grande quantité de screenshots, des vidéos, des démos à télécharger, des forums et ainsi de suite ? Cette fois, la presse dans son ensemble s'interroge car elle n'est plus menacée par un nombre limité de passionnés à la pointe de la technologie mais bien par tout un chacun.
C'est une étape majeure : la perte du monopole des médias et des journalistes sur l'information. Ils ne sont plus les seuls à rapporter ce qui se passe dans le monde. On a aujourd'hui des précurseurs d'un journalisme citoyen qui va se démultiplier à l'infini.
De là naît un constat : "Le monde des médias a changé le 7 juillet, jour des attentats dans le métro londonien". Oui, mais pas seulement, il a commencé à évoluer bien avant, seule la prise de conscience est récente. Les premiers signes remarqués par la profession se sont manifestés avec la diffusion de l'information autour du tsunami de décembre 2004 en Asie - dont l'intérêt est bien vite retombé pour les journalistes, mais qui perdure sur internet grâce à des actions continues de personnes impliquées dans cet événement. Des sites collaboratifs ont fédéré les échanges, les contacts entre personnes "de là bas" et "d'ici", favorisé la collecte de dons et de témoignages, ce que ne peuvent les médias traditionnels à sens unique qui ne permettent qu'une absorption passive de l'information.

Avec Wikinews et Wikipedia, la couverture des attentats de Londres par des amateurs présents sur les lieux a montré que l'offre pouvait répondre à la demande, bien plus efficacement et plus rapidement que par les voies conventionnelles. Chaque témoin apportant sa brique de texte ou d'image (voir aussi photoduck), grâce à la popularisation des appareils photo numériques et des téléphones portables. Tandis qu'il faut aux médias plusieurs heures pour dépêcher leurs reporters sur place, établir des réseaux de communication, mettre en forme tous les éléments, les classer et les présenter au public avec une cravatte.
Autre reproche formulé : "Le citoyen ne fera pas la démarche de prendre un billet [d'avion], et d'aller enquêter sur le terrain. C'est pour ça qu'on parle du blogueur comme d'un journaliste en pyjama...". Ils oublient certainement que le net est international, et qu'il y a sur le terrain d'autres internautes, d'autres blogueurs, parfois même des expatriés qui relatent les faits dans leur langue d'origine.
Dernière critique pour tenter de sauver le navire : "Cela ne donne pas la distance, l'expertise du journaliste". Certes, mais n'est-ce pas là ce que recherchent les gens ? Ne pas ingurgiter une information épurée à l'eau de javel, distante, passée entre les mains du journaliste, du rédacteur en chef, de la censure, déformée par chacun des rouages du système, réduite, simplifiée et raccourcie par manque d'implication ou par l'obligation de faire court, de captiver et de vendre. Les lecteurs ne recherchent-ils pas plutôt l'information telle qu'ils auraient pu l'écrire ? Avec des commentaires et avis personnels qu'un journaliste ne pourrait se permettre, et dont l'anonymat est insipide parce qu'on ne le connaît pas, qu'on ne sait pas si c'est un homme, une femme, son âge, son milieu social, autant de critères pouvant replacer les mots dans leur cadre d'appréciation. Bref, une recherche d'authenticité sans déformation journalistique, volontaire ou non.
La révolution est en marche... à condition de toujours garder à l'esprit que personne n'est impartial.