On croit souvent que l'esperluète est un caractère moderne, plus ou moins anglo-saxon. Surnommé "et commercial", il nous vient pourtant du Moyen-Âge, lors duquel il servait déjà d'abréviation. Les premiers emplois de & figurent dans les Serments de Strasbourg (voir aussi), un des écrits sur parchemin les plus anciens, inaugurant la langue française. L'esperluète remplaçait donc le couple de lettres "et". On pouvait par exemple écrire béret : bér&.
Non, le SMS n'avait pas encore accompli son oeuvre putréfactrice, mais le gain de temps et de place était appréciable car le parchemin coûtait cher à cette époque. En effet, celui-ci étant fabriqué à partir de peaux de chèvre, d'agneau ou de veau, je vous laisse imaginer le pogrom bovin nécessaire pour obtenir ne serait-ce qu'un annuaire téléphonique au IIe siècle avant JC (celui qui ressuscite, pas le philosophe attaché aux molécules d'air).
L'orthographe était donc un brin plus complexe. De même, le tilde permettait de remplacer des groupes de lettres : ã = an, ñ = neu, õ = om. La consonne p pouvait disposer d'une cédille tandis qu'un q barré signifiait "qui".
On en vint à considérer & comme la 27e lettre de l'alphabet puisqu'elle était récitée en tant que telle par les écoliers, qui concluaient la récitation par ...x, y, z, ète. On écrivait &c en lieu et place d'et caetera, et les dictionnaires la considéraient en dernière position il y a encore deux siècles puisqu'ils ne s'arrêtaient pas à Z.
L'esperluète fut probablement baptisée ainsi par la contraction de la formule "espère lue et" (puisque l'on espérait que & soit lu et). A moins que ce ne soit par la traduction de sphaera, sphère désignant la forme d'un coquillage proche de ce signe, ou en français ancien : espère.
Aujourd'hui, les entités (xml/xhtml) lui doivent leur syntaxe dithyrambique.